La réinsertion professionnelle par la production d’alimentat animal

Installée au Chambon-Feugerolles, l’association Ondaine Agro œuvre dans le domaine de la réinsertion professionnelle. Ceci, à travers une activité qui consiste à récolter du pain non vendu en boulangeries et grandes surfaces afin de le transformer en aliment pour bovins, porcs et volailles.

tracteurOndaine Agro conditionne l’aliment animal qu’elle produit par sacs de 600 kg en moyenne que ses équipes peuvent livrer sur la moitié sud du département
D’un côté, un amas de pain. De l’autre, des sacs d’aliments pour bovins, porcs et volailles prêts à être livrés. Bienvenue dans les locaux d’Ondaine Agro, association basée au Chambon-Feugerolles (138 rue de la République). Sa mission ? « Accompagner des personnes en difficultés socioprofessionnelles vers un emploi durable, faire de l’insertion par le travail », détaille Thierry Bruyère, qui a créé la structure en 2014 et en est aujourd’hui le directeur. Au quotidien, cela passe par la collecte de pain non vendu, sa transformation comme aliment, puis sa commercialisation auprès d’agriculteurs du sud de la Loire et de la proche Haute-Loire.
En plus des trois permanents, ils sont donc onze salariés à œuvrer, à raison de 26 heures par semaine via des contrats d’insertion de quatre mois renouvelables jusqu’à deux ans. « Le but, ajoute Thierry Bruyère, c’est de les amener à reprendre goût au travail, à réapprendre à respecter des horaires, une hiérarchie et que l’on construise ensemble un parcours, avec un emploi durable et/ou une formation diplômante au bout. » Chaque journée débute par la récupération de pain auprès de boulangeries et de grandes surfaces qui ont accepté d’en faire don après « un accord oral ». L’équipe sillonne pour cela la partie sud du département, jusqu’à Montbrison et Rive-de-Gier pour schématiser. Total de la récolte : 1 tonne quotidienne en moyenne.
Se rapprocher de la restauration, collective notamment, pourrait présenter un intérêt en termes de volume. Sauf que la réglementation interdit la réutilisation de pain servi à table. « Les normes sont très strictes, pour des raisons évidentes d’hygiène », souligne Thierry Bruyère, rappelant que cette activité a nécessité l’obtention d’un agrément du conseil départemental de l’insertion par l’activité économique (CDIA). Il a aussi fallu se rapprocher de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour toutes les problématiques de traçabilité.

Trier, déshydrater, broyer

De retour dans l’Ondaine, place au tri. Ce qui consiste à « ôter les emballages, écarter les pains qui pourraient être moisis et ceux contenant lait, crème et viande pour ne pas affecter le produit fini », précise-t-on sur place. Les mets qui ont passé cette première sélection sont tranchés, déposés dans des panières aérées pour être placés dans des salles de déshumidification : « Pendant une dizaine d’heures, celles-ci sont chauffées entre 30 et 35°, un procédé ventile et aspire l’eau pour arriver à un produit de 13 % d’humidité (+/-1 %). Enfin, le pain est broyé pour obtenir des grains plus ou moins fins selon les désidératas de nos clients, puis vendu par sacs de 600 kg en moyenne. »
atelier 2

 

 

 

 

 

 

L’association récupère chaque mois 20 tonnes de pain qu’elle recycle entièrement, entre transformation en aliment animal, compost et valorisation des emballages.

 

Si Ondaine Agro peut livrer (sur la moitié sud du département), il est possible de venir s’approvisionner sur place du lundi au vendredi, de 7 à 16 heures. L’occasion de visiter la chaine de production et d’en apprendre davantage sur la philosophie ambiante. « Certains agriculteurs nous choisissent uniquement pour la qualité du produit, proche du blé et qui peut se mélanger à d’autres aliments, et son prix ; d’autres sont sensibles à notre philosophie de développement durable, à l’aspect social de notre démarche, observe Thierry Bruyère. Ce qui nous conforte, c’est que tous ceux qui ont essayé reviennent. C’est très encourageant. »

L’association s’affaire à développer sa notoriété et ses ventes, elle qui vit aussi de subventions. En attendant la concrétisation de son rapprochement avec les lycées agricoles de Précieux / Saint-Genest-Malifaux et Yssingeaux, elle collabore avec Gamm Vert afin de toucher les particuliers propriétaires de volailles. La réflexion porte actuellement sur le packaging, avec l’ambition d’une distribution de sacs de 25 kg dès la fin mars.

Une dimension environnementale

Outre les volets social et économique, Ondaine Agro a également une portée environnementale. « Par notre intermédiaire, ce sont chaque mois environ 20 tonnes de pain qui ne finissent pas enfouies dans des décharges, indique son directeur. Il était important de lutter contre ce gaspillage et nous espérons tripler ce tonnage d’ici trois ans. Au final, 100 % de ce que nous collectons est recyclé : le pain et les viennoiseries non transformés sont mis au compost au lycée de Montravel, à Villars, tandis que les emballages sont triés et valorisés. »

Au-delà des premiers résultats positifs – « Un salarié nous a quittés pour entamer une formation de chauffeur poids lourds, un deuxième a lui trouvé sa voie avec les espaces verts et recherche une formation qualifiante en la matière » – Thierry Bruyère dit s’épanouir lui aussi. Directeur d’une grande surface spécialisée dans le bricolage il y a encore peu, il avait souhaité se réorienter dans le domaine social. Après une reprise d’études conclue par l’obtention d’un master 1 Management de l’insertion dans l’économie sociale et solidaire, il a créé Ondaine Agro après être allé observer plusieurs structures du même type en Bretagne et avoir trouvé le financement. Cela lui a pris un an pour réunir 130 000 euros provenant de fondations privées (AG2R, Fédération française du bâtiment, Fondation Julienne Dumeste, Fondation Baudoux Fondation Agir pour l’emploi) nécessaires à l’investissement dans « un matériel performant qui permette un travail de qualité ».

« Notre quotidien à Ondaine Agro ressemble à ce que j’avais envie de faire, conclut-il. C’est intéressant car notre activité mêle aspects économique, environnemental, managérial avec une dimension sociale et on voit le résultat : des personnes pas sûres d’elles au moment du recrutement et qui, en deux ou trois mois, recommencent à exister, prennent confiance en elles. Une transformation plaisante à observer. » Et il espère bien aller plus loin. Alors que la structure ambitionne que « 60 % des personnes accueillies trouvent du travail à la sortie », l’effectif devrait passer de 11 à 18 salariés d’ici à la fin de l’année.

(Source Paysans de la Loire)